Le 2 avril est la journée mondiale qui vise à informer et sensibiliser le grand public sur l’autisme, ou plus justement appelé trouble du spectre autistique (TSA). Depuis plus de quatre ans, notre association Équit'harmonie accompagne plusieurs jeunes atteints de déficience intellectuelle et de troubles du spectre autistique. À l'occasion de cette journée, nous souhaitons vous faire part de nos réflexions et de quelques témoignages autour de notre expérience en médiation équine.
« Un poney, une rencontre.
J'ai toujours été fascinée par la capacité des poneys à accueillir les enfants en situation de fragilité physique ou mentale à leurs côtés.
Disponibles, attentifs au moindre geste, ils ne brusquent rien et attendent que le contact se crée : cela peut être un regard, une caresse, un visage qui plonge dans une crinière... L'enfant est alors accueilli avec ses fragilités, sa différence. Dans cette rencontre, la parole n'est pas la condition du lien qui va unir ces deux êtres vivants. Cela passe par le corporel, la posture, l'intention.
Plus qu'un animal, le poney devient alors cet autre avec qui les échanges, les interactions sont possibles. Les enfants vont apprendre à se faire comprendre de l'animal, apprendre à déchiffrer son comportement, découvrant ainsi un nouveau mode de communication et à leur tour entrer dans l'échange. »
Marlène Lacombe, membre de l’association Équit’harmonie, conseillère en insertion en formation d'équithérapeute à l’Institut de Formation en Équithérapie

« Troubles du spectre autistique », qu’est-ce que c’est ?
Pour désigner l’autisme, on utilise de nos jours le terme de trouble du spectre autistique (TSA). Il fait partie des troubles envahissants du développement (TED) dont les manifestations sont assez précoces et décelables dès la fin de la première année de vie de l’enfant.
Il existe des niveaux très différents de sévérité des symptômes, qui peuvent être dans certains cas associés à d’autres pathologies. C’est pour cela que le terme « spectre » est employé pour désigner l’autisme. On estime qu’une personne sur 150 serait atteinte de ce trouble dans le monde (source). En France, 430 000 personnes seraient concernées, dont 25 % d'enfants.
Une personne atteinte de TSA présente quatre grands types de symptômes : difficultés dans la communication, dans les interactions sociales, problématiques de signification et d’imagination.
Cette personne présente alors des difficultés ou une absence de mise en place du langage, qui peut être associée à une déficience intellectuelle.
L'individu montre également des troubles dans l’utilisation, l’interprétation et la compréhension des actions d’autrui. Il lui est alors difficile de se représenter ce que son interlocuteur peut ressentir, penser, savoir ou connaitre, et ainsi d’imiter ou d’avoir de l’attention pour les informations sociales venant des personnes avec qui il interagit.
Une personne présentant un TSA n’effectue pas de sélection des informations perçues dans son environnement, ce qui implique un stockage sans traitement ni interprétation dans sa mémoire. Elle n’accède pas non plus au symbolisme1, car cette notion présente un caractère trop abstrait.

On retrouve la présence d’écholalie2 ou d’un langage idiosyncrasique (inventé), l’absence de jeu symbolique et/ou d’imitation sociale diversifié, en rapport avec le niveau de développement.
On observe également un ensemble de comportements, d’intérêts et d’activités restreint, stéréotypé et répétitif, communément appelés comportements ou intérêts spécifiques3.
« Tous ces gestes font partie du fonctionnement neurologique de la personne atteinte de TSA, lui permettant d’exprimer ses émotions et ressentis au quotidien. Il est primordial de laisser s'extérioriser ces comportements car ils contribuent à rassurer la personne.
En effet, l'individu capte la moindre stimulation de son environnement (couleurs, lumières, sons, bruits, odeurs, etc.) ce qui peut générer des angoisses, ainsi ces comportements l'apaisent. »
Manon Huet, psychologue et volontaire en service civique au sein de l’association Équit’harmonie

La médiation équine comme outil au service des personnes atteintes de TSA
« La médiation équine consiste à mettre en relation l’humain et le cheval dans le cadre d’un programme social, thérapeutique ou éducatif, dans l‘intérêt de l’un et le respect de l’autre4. » Cette approche est reconnue dans le cadre des thérapies non médicamenteuses par la Haute Autorité de Santé. Elle peut également être utilisée pour renforcer certaines prescriptions ou approches paramédicales ou être pratiquée avec profit en-dehors de cadres strictement thérapeutiques.
La médiation animale est une approche vraiment bénéfique et adaptée à des personnes présentant des troubles envahissants du comportement / développement ou troubles apparentés5.
Nous observons de réelles évolutions dans le comportement des jeunes bénéficiant de séances de médiation équine, que nous accompagnons depuis plus de quatre ans au sein des Écuries Saint Victor, en partenariat avec le Dispositif d'Accompagnement Médico-Éducatif (D.A.M.E.) Antoine Fauvet de Nogent-le-Rotrou.
« Tim* n’avait pas du tout de contact avec le poney durant le pansage durant les premières séances. Il adorait monter mais ne voulait pas brosser son poney. Désormais, il commence à faire des bisous, des caresses et à participer au pansage. »
Céline Gillot, monitrice éducatrice au DAME de Nogent-le-Rotrou

Les jeunes présentent beaucoup moins de troubles du comportement lors des séances : « maintenant qu’ils connaissent les lieux, les chevaux et les attentes, les enfants sont beaucoup plus posés lors des séances de médiation. Eline*, par exemple, criait beaucoup au début alors qu’aujourd’hui elle est plutôt adaptée. Ce qui implique qu’elle est dans de meilleures conditions pour écouter les consignes. Aujourd’hui, elle sait tenir son cheval en main, alors qu’avant elle était incapable de tenir la longe. »
(Laëtitia Lannuzel, monitrice éducatrice au DAME de Nogent-le-Rotrou)
« Les enfants que nous accompagnons ayant des troubles vestibulaires, le fait de pouvoir monter sur le poney apporte un vrai élément positif, nous observons que les troubles du comportement des enfants sont diminués voire effacés pour certains lorsqu’ils sont sur l’animal. Cela leur apporte beaucoup de bien-être et de sérénité. »
Laëtitia Lannuzel, monitrice éducatrice au DAME de Nogent-le-Rotrou
Les bienfaits des séances de médiation équine se manifestent au contact de l’animal mais également au quotidien. Ils sont plus disponibles et moins sujets à des crises au sein des établissements médico-éducatifs, comme c’est le cas de Mathis* pour qui les séances « sont très bénéfiques et lui font du bien. Au quotidien, c’est un jeune homme très virulent au sein de l’établissement. Alors qu’aux écuries, on le sent beaucoup plus apaisé, il est beaucoup plus doux au niveau du contact avec l’animal », explique Céline Gillot.
Les séances de médiation équine proposées par Équit’harmonie et les Écuries Saint Victor
Depuis 2017, sept enfants du DAME Antoine Fauvet à Nogent-le-Rotrou participent à des séances hebdomadaires de médiation équine au sein de notre structure partenaire, les Écuries Saint Victor, situées à Saint-Victor-de-Buthon en Eure-et-Loir. Ces séances sont construites de façon à répondre aux besoins des enfants et aux objectifs des équipes éducatives.
Nous instaurons un cadre sécurisé, primordial au bon déroulement des séances. Nous veillons à ce que chaque enfant soit accompagné individuellement à chaque séance afin d’assurer un suivi personnalisé. Ceci est notamment possible grâce à l’intervention de volontaires en service civique au sein de notre association, qui viennent compléter notre équipe de professionnels.

Les séances sont très ritualisées (les poneys et le matériel à disposition sont toujours placés de la même façon, l’enfant a le même poney attitré) et présentent la même chronologie : pansage et préparation, activité à cheval, au revoir à l’animal et à l’équipe.
Tout d’abord, le pansage est un moment privilégié pour que les enfants entrent en relation avec leur poney. Certains vont les brosser, les caresser et d’autres vont simplement les regarder. Il s’agit de la première phase d’approche de l’animal par l’enfant, à laquelle nous accordons de l’importance pour que le lien de confiance puisse s’établir.
Puis vient le travail monté, qui se déroule sous forme de parcours matérialisés avec différents dispositifs adaptés visant à stimuler la motricité, la confiance et l’interaction. La découverte du trot est régulièrement proposée, ainsi que des balades en main en extérieur.
Il est très important de mettre en place une répétition des exercices qui doivent être simples et adaptés. Nous proposons par exemple aux enfants, de prendre un anneau ou une balle d’un point A pour l’emmener à un point B.
Enfin, les enfants prennent le temps de dire au revoir à leur poney afin que la transition entre les séances et les autres activités du quotidien n'occasionne pas de frustrations ou d’angoisses.
« L'objectif lors des séances est notamment de travailler la motricité et la préhension, grâce à l'utilisation d’objets de différentes formes et de différentes tailles. L’enfant, sur le dos de son poney, renforce ainsi son équilibre et améliore son tonus postural et musculaire. »
Isalyne Aubry, ergothérapeute, volontaire en service civique au sein de l’association Équit’harmonie

Pour clôre cet article, nous vous livrons le trémoignage de Laëtitia Lannuzel, monitrice éducatrice au DAME Antoine Fauvet, sur le choix de travailler avec Équit’harmonie et les Écuries Saint Victor pour les séances de médiation équine :
« Cela fait plus de 30 ans que nous nous sommes tournés vers la médiation équine pour nos jeunes. Nous étions à la recherche d’un centre équestre de remplacement car le notre avait fermé. Nous étions à la recherche d'un centre étant sur la même longueur d’onde que nous. Nous ne souhaitons pas que nos enfants deviennent des cavaliers, nous cherchons l’approche de l’animal avant tout, et l’accompagnement de l’enfant dans sa spécificité.
Nous ne souhaitons pas prioriser les soins du cheval, cela a moins de portée pour les jeunes. Nous préférons qu’ils soient le plus longtemps possible sur l’animal pour ressentir les sensations de bien-être et de plénitude.
Lorsque nous avons découvert les Écuries Saint Victor et sa gérante Audrey Lafeac, nous avons tout de suite partagé les mêmes attentes et la même vision de l’activité pour nos jeunes. Nous avons d’abord réalisé une année de test qui s’est avérée concluante, puis nous sommes restés. Cela fait 4/5 ans que l’on vient dans ces écuries, qui sont à taille humaine et qui proposent un véritable suivi individualisé pour les jeunes. Les chevaux sont aussi très adaptés, ils sont patients, doux et bienveillants. »
Article rédigé par Juliette Lourdez, volontaire en service civique au sein de l’association Équit’harmonie
* Pour les besoins de l’article, les prénoms des enfants ont été changés.
1 Définition du symbolisme : le fait de se représenter des images mentales de situations absentes
2 Définition de l’écholalie : tendance spontanée à répéter systématiquement tout ou une partie des phrases, habituellement de l'interlocuteur, en guise de réponse verbale
3 Stéréotypies telles qu’une préoccupation excessive pour un objet en particulier, des routines et/ou rituels quotidiens, des particularités motrices répétitives et spécifiques (hochement de tête, torsion des doigts)
4 Revue ASH, La médiation animale, 2020
5 Par exemple : troubles du spectre autistique, troubles du langage, maladies génétiques, carences affectives et éducatives, formes variées de déficience intellectuelle
Pour aller plus loin
BIBLIOGRAPHIE :
L'autisme, de l'incompréhension à l’intervention, 2ème édition, Théo Peeters, mars 2020, ed. DUNOD, 256 pages.
Le livre noir de l’autisme, Olivia Cattan (présidente de l’association “SOS Autisme France”), septembre 2020, ed. Le Cherche-Midi, 288 pages.
Revue ASH, La médiation animale, 2020, Cahier 2, N°3175, septembre 2020.
Intervention de l'animal dans le cadre de la prise en charge avec TED par les structures médico-sociales en France métropolitaine, Claire Philippe, thèse, 2014, 410 pages.
Long-terms effect of therapeutic horseback riding in youth with autism spectrum disorder : a randomized trial, Robin Gabriels al., 2018, 8 pages.
FILMOGRAPHIE :
Virgule et les autres, la médiation animale, Fondation A&P Sommer, Michel Bosco, documentaire, 2009, 55 min.
Hors normes, Eric Toledano et Olivier Nakache, 2019, 114 min.
T'en fais pas j’suis là, Pierre Isoard, téléfilm français, 2020, 104 min.
Autisme, mon enfant ma bataille, Marie-Christine Gambart, documentaire et débat, 2021, 68 min.
Crédit photos : Équit'harmonie
Catégories : médiation équine, équithérapie, autisme, Eure-et-Loir, Perche
